Yura et moi sommes mariés depuis 25 ans, et pendant tout ce temps je me suis habituée à son approche si particulière des cadeaux. Ils ont toujours été… pratiques. Une bouilloire, un service d’assiettes, un grille-pain – Yura semblait persuadé que le meilleur présent pour sa femme était quelque chose d’utile pour la maison.
Je m’agaçais, je me fâchais, puis je me faisais une raison. Demander quelque chose de précis n’avait pas de sens : il faisait toujours à sa façon. Avec le temps, j’ai appris à ne plus rien attendre d’exceptionnel.
Cette année n’a pas fait exception. J’ai eu 48 ans. Matinée comme les autres : ménage, petit‑déjeuner, travail. Yura dormait quand je suis partie, alors j’ai refermé la porte tout doucement.
La journée est passée en un éclair. Mes collègues m’ont souhaité mon anniversaire, offert des fleurs et organisé une petite pause gâteau. Mais, au fond de moi, quelque chose me travaillait : Yura n’avait pas appelé. Pas de message, pas de « joyeux anniversaire, Les̈ka » habituel.
Le soir, l’angoisse montait. Quelque chose clochait.
« J’ai vu ton Yura dans un café », m’a murmuré une collègue en baissant la voix. « Il était assis avec des fleurs, il attendait quelqu’un… »
Mon cœur s’est serré. Café ? Fleurs ? Il n’achetait jamais de fleurs sans raison. Et ces derniers temps, ses retards fréquents au travail devenaient suspects. Un soir, il n’était même pas rentré, prétextant qu’il dormait chez un ami…
Mes pensées tournaient en boucle. J’avais le souffle court, les mains moites. Sans réfléchir, j’ai saisi mon manteau et filé au café. J’ai couru en pilote automatique, le cœur battant à tout rompre. Et s’il me trompait ? Et s’il passait mon anniversaire avec une autre femme…
Je suis entrée en trombe et j’ai balayé la pièce du regard. Et là, j’ai vu Yura. Assis près de la fenêtre, un bouquet à la main. Seul.
Il m’a repérée, s’est levé et m’a souri :
— Viens.
Ma colère n’était pas retombée.
— Tu restes là pendant que je bosse et tu n’as même pas pris la peine de me souhaiter mon anniversaire ?!
Il a posé sa main sur la mienne, tranquillement :
— Attends, attends… Je voulais te faire une surprise. J’attendais que tu quittes le bureau pour te retrouver ici.
J’ai cligné des yeux, incrédule.
— Quoi ?…
Il m’a tendu une petite boîte soignée, ornée d’un nœud. Je l’ai ouverte : des boucles d’oreilles en or. Celles dont je rêvais, mais que je n’avais jamais osé lui demander vraiment. Des larmes ont coulé sur mes joues.
Je m’attendais au pire, et lui… Lui n’attendait que de rendre ce jour spécial.
Ce soir‑là, nous sommes restés longtemps dans ce café, à parler et à rire. Pour la première fois depuis longtemps, nous ne parlions ni boulot, ni maison, mais simplement de nous.
Je n’oublierai jamais ce anniversaire.
