J’ai toujours eu des relations cordiales, voire trop chaleureuses, avec ma belle‑mère, Carol. Elle habitait à proximité et se disait souvent prête à garder notre unique petit‑fils. C’était pratique, d’autant plus que je travaillais de nuit à l’hôpital.
Cependant, depuis quelques semaines, mon fils Liam, quatre ans, se mettait à pleurer chaque fois que je lui annonçais que sa grand‑mère viendrait s’occuper de lui.
Un soir, alors que je me préparais pour une garde, Liam s’est mis à sangloter. « Je ne veux pas que mamie reste avec moi ! » a‑t‑il gémi en s’agrippant à ma jambe.
Je me suis agenouillée pour le consoler. « Mais pourquoi mon chéri ? Que se passe‑t‑il ? »
« Parce que… parce que mamie se comporte bizarrement », a‑t‑il sangloté.
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J’ai tenté de lui demander : « Comment ça, « bizarrement » ? » mais avant qu’il ne puisse répondre, Carol est entrée, joyeuse comme à son habitude. Liam s’est immédiatement précipité à l’étage, dans sa chambre.
Je me suis sentie mal à l’aise, mais je n’avais pas d’autre choix que de partir pour le travail. Sur le chemin de l’hôpital, je ne cessais de me demander ce que Carol avait bien pu faire pour que Liam soit si paniqué.
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Le lendemain matin, dès la fin de ma garde, je me suis empressée de rentrer pour comprendre ce qui se passait. J’ai déverrouillé la porte et suis entrée : j’ai été prise d’un choc en découvrant la scène.
Liam était assis par terre dans le salon, son petit visage pâle entouré de morceaux de verre et de jus renversé. Ses jouets préférés gisaient entassés dans un coin, et ses yeux brillaient encore de larmes.
« Liam ! » me suis‑je écriée en le prenant dans mes bras. « Qu’est‑il arrivé ? Ça va ? »
Il s’est blotti contre moi, la voix tremblante : « Maman, mamie s’est fâchée contre moi. Elle a dit que j’étais mauvais parce que j’ai renversé mon jus. »
Mon cœur s’est serré. « Elle a crié contre toi ? »
Il a hoché la tête, les larmes coulant sur ses joues. « Elle criait fort et disait que j’étais sale. Ensuite, elle a jeté mes jouets en hurlant que je ne les méritais pas ! »
Un élan de colère m’a parcourue, mais j’ai dû me maîtriser pour rester calme devant Liam. « Tout ira bien, mon trésor. Je suis là maintenant. »
Après l’avoir rassuré, j’ai inspecté la maison. La cuisine était en désordre, la poubelle débordait, et l’atmosphère générale était chaotique. Carol était déjà partie, sans laisser ni mot ni explication.
Je savais que j’avais besoin de réponses.
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Plus tard dans la journée, j’ai appelé Carol. Elle a répondu d’une voix joviale comme toujours : « Coucou, ma chérie ! Ta garde s’est bien passée ? »
« Carol, il faut qu’on parle », ai‑je répliqué sèchement. « Que s’est‑il passé hier soir avec Liam ? »
Un silence, puis elle m’a répondu avec dédain : « Oh, pas grand‑chose. Il a renversé son jus, alors j’ai dû lui donner une petite leçon pour qu’il fasse plus attention. »
« Une « leçon » ? » ai‑je répété, la colère montant sous mon ton mesuré. « Il a quatre ans, Carol ! Il était terrorisé. Il m’a dit que tu lui hurlais dessus et que tu jetais ses jouets ! »
« Oh, il dramatise, ce gamin », s’est‑elle moquée. « Les enfants ont besoin de discipline, tu sais bien. Tu es trop laxiste avec lui. »
Ses paroles m’ont blessée. « La discipline, ce n’est pas lui faire peur ni jeter ses affaires ! Si tu ne peux pas le traiter avec amour et respect, alors tu ne le garderas plus. »
Carol a frissonné : « Tu es sérieuse ? Après tout ce que j’ai fait pour toi ? »
« Absolument », ai‑je répondu avant de raccrocher, l’empêchant de poursuivre sa joute verbale.
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Mais je n’avais pas dit mon dernier mot. J’ai décidé de faire comprendre à Carol ce que ça faisait d’être humiliée de la sorte. Ce week‑end‑là, je l’ai invitée chez moi pour le thé et, délibérément, j’ai renversé un bol de thé sur la table. En essuyant le dégât, je lui ai lancé d’un air faussement affecté : « Oh ! Il paraît que même les adultes peuvent être maladroits. Heureusement que nous ne jetons pas les affaires des autres quand ils font une erreur, n’est‑ce pas ? »
Elle m’a regardée, comprenant aussitôt la leçon que je lui administrais. « Très drôle », a‑t‑elle soufflé.
« Ce n’est pas une plaisanterie, Carol », ai‑je répliqué fermement. « Liam est un enfant. Il a besoin d’amour, de patience et de compréhension, pas de terreur. Si tu veux à nouveau faire partie de sa vie, tu devras montrer que tu sais le traiter avec bonté. »
À partir de ce moment, j’ai engagé une autre baby‑sitter et je n’ai plus jamais laissé Liam seul avec elle. Finalement, Carol s’est excusée, mais il lui a fallu plusieurs semaines de silence pour comprendre que je parlais sérieusement.
J’ai fini par assimiler une leçon importante : la sécurité et le bonheur de mon fils passent avant tout, quel que soit l’interlocuteur. Quant à Liam ? Il ne connaîtra plus jamais la peur dans sa propre maison.